La chaîne de restaurants chrétienne Chick-fil-A accusée de plier devant wokisme, menacée de boycott par des chrétiens

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Présente aux États-Unis et au Canada, la chaîne de restaurants Chick-fil-A est bien moins connue dans le reste du monde que l’une de ses rivales, McDonald’s. Cette entreprise qui se fait fort de promouvoir des valeurs chrétiennes est menacée de boycott depuis plusieurs semaines par des chrétiens conservateurs qui l’accusent de reculer devant les exigences “progressistes”. Il y a quatre ans, elle a par exemple cessé de soutenir financièrement l'Armée du Salut, cédant aux revendications LGBTQ.

"Ce qui m’a attirée chez Chick-fil-A, ce sont les fortes valeurs et la morale qu'elle propose en tant qu'entreprise, qui sont très différentes de celles de la plupart des autres sociétés", nous dit Annabelle, directrice au sein d’un restaurant de l’enseignante à Tulsa, dans l’Oklahoma.

La jeune responsable explique que l’entreprise est un lieu de travail où peuvent s’épanouir des employés chrétiens :

"C'est une atmosphère édifiante et positive et presque tous ceux qui postulent sont conscients de nos valeurs, donc cela crée vraiment une communauté de personnes qui croient en Dieu et le montrent par le travail."

 Une entreprise d’inspiration chrétienne

Chick-fil-A vient d’être nommée restaurant préféré des Américains pour la neuvième année de suite, selon l’American Customer Satisfaction Index.

La plus importante enseigne dans la confection de sandwichs au poulet a été fondée en 1946 par Samuel Truett Cathy, un membre de la First Baptist Church. Fervent chrétien, Cathy a tenu à ce que tous les restaurants de la chaîne soient fermés le dimanche afin que les employés puissent aller à l’église "s’ils le souhaitent", tout comme profiter de ce jour avec leurs familles. Sur le site de l’entreprise forte de près de 2 900 établissements les objectifs sont affichés sans ambage :

"Glorifier Dieu en étant un intendant fidèle de tout ce qui nous est confié et avoir une influence positive sur tous ceux qui entrent en contact avec Chick-fil-A."

 Ainsi, Samuel Cathy a tenu à s'associer aux autres entreprises dans leurs efforts philanthropiques à Atlanta, la capitale où il a fondé son premier restaurant. Au siège social de la marque, située dans la capitale géorgienne, on peut voir une statue du Christ lavant les pieds d’un disciple, Pierre. Le but revendiqué est de "laisser la Géorgie dans une meilleure situation que celle [où] il l’a trouvée".

Le fondateur avait pour principe d’être davantage qu’un commerçant :

"Nous devrions faire plus que vendre du poulet. Nous devons faire partie de la vie de nos clients et des communautés dans lesquelles nous servons."

Statue du Christ lavant les pieds de Pierre au siège social de Chick-fil-A.

Ces valeurs attirent de nombreux employés qui partagent les mêmes convictions chrétiennes, et certains rencontrent leurs futurs conjoints parmi leurs collègues, comme Annabelle.

C’est aussi le cas de la fille du fondateur, Trudy Cathy White, qui déclarait en 2015 au Christian Post :

"Nous apprécions ce sentiment que Dieu bénit notre entreprise. Je ne sais pas s'il y a vraiment un secret dans cela. Mon père a fondé son entreprise sur des principes bibliques. Il avait l’impression que ses décisions d’affaires allaient de pair avec les principes bibliques. Ce n’est pas un secret. Il y a beaucoup de choses qui nous sont enseignées dans la Parole de Dieu et nous avons pu les mettre en pratique dans notre entreprise."

Engagements sur des questions sociétales et regrets

Le tournant est venu quand Chick-fil-A s’est engagée sur des questions sociétales et s’est opposée à la légalisation du mariage homosexuel dont la Cour suprême a finalement déclaré en 2013 qu’il s’agit d’un droit fédéral. Cependant, face aux critiques, son président, Dan Cathy, a déclaré l’année suivante à l’Atlanta Journal-Constitution qu’il avait eu tort d’impliquer l’entreprise dans ce conflit culturel, tout en précisant qu’il n’avait pas changé d’avis sur les revendications LGBTQ.

Depuis une décennie, l’entreprise fait face à des appels au boycott de la part des mouvements LGBTQ, et sa tentative de s’implanter au Royaume-Uni a rencontré l’hostilité de ces groupes qui, même si elle n’a pas été déterminante dans l’abandon du projet, a été fortement médiatisée. Elle a connu les mêmes soucis au Canada où elle continue cependant à tenter de se développer.

En 2019, la municipalité démocrate de San Antonio au Texas a interdit l’ouverture d’un restaurant de l’enseigne dans l’enceinte de son aéroport international en dénonçant son "héritage d’un comportement anti-LGBT".

Les regrets exprimés en 2014 par son président n’ont pas été suffisants. Cela explique-t-il ses nouveaux choix stratégiques ?

Chick-fil-A a décidé de suivre une tendance à la mode dans les entreprises, celle de la mise en place d’une politique dite de "DEI" (diversité, équité, inclusion). La nomination d’Erick McReynolds comme vice-président chargé de la politique DEI date de 2021, mais c’est au printemps dernier que les groupes conservateurs ont découvert la création de ce poste et ont appelé au boycott, rendant l’information virale. Les principes présentés sur la page DEI de l’entreprise mentionnent l’importance du respect, de la compréhension (inclusivité) et de la dignité partout où elle fait des affaires.

Réorientation des dons financiers

Si les principes de DEI semblent positifs, les groupes chrétiens conservateurs y voient un danger pour leurs valeurs dans la mesure où l’inclusivité conduit à l’exclusion de certains de leurs principes. Déjà en 2019, sous la pression des mouvements LGBTQ, Chick-fil-A avait cessé de soutenir financièrement l’Armée du Salut et le Fellowship of Christian Athletes.

En plus de ne plus soutenir des groupes qui promeuvent les idées qu’elle défendait auparavant, l'entreprise a commencé à faire des dons à la Covenant House, toujours en 2019. Si ce groupe aide les sans-abris, il soutient également des heures de lectures de contes transgenristes par des drag-queens à des enfants.

La même année, des médias ont révélé que Chick-fil-A avait subventionné le Southern Poverty Law Center (SPLC), une organisation d’extrême gauche qui s’en prend aux convictions chrétiennes et présente des mouvement chrétiens comme des menaces pour la société américaine, par exemple certains catholiques partisans de la messe en latin.

Dans un article de 2018, même le Washington Post, de tendance démocrate, avait publié un article dénonçant la confusion par le SPLC entre conservateurs et néo-nazis.

Les appels au boycott se situent dans la ligne de ceux lancés avec un certain succès contre Disney ou la marque de bières Budweiser à la suite de leur soutien à des revendications LGBTQ.

Chick-fil-A est, par ailleurs, accusée de ne pas respecter les volontés du fondateur. Au-delà de ces dénonciations se trouve un sentiment de trahison chez les conservateurs qui se reconnaissaient particulièrement dans cette maison et pensaient qu’elle ne les laisserait jamais choir.

Cet appel au boycott qui n’intervient qu’après des années de réorientation des dons financiers de l’entreprise reste cependant un mystère. Comme si les conservateurs avaient jusque-là préféré dénoncer les politiques DEI d’entreprises non chrétiennes et refusé de voir celle de Chick-fil-A.

Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock/ JHVEPhoto

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